Nous continuons notre voyage d’écriture de l’égocentrisme vers un monde altruiste, en tentant de prendre de la hauteur sur le modèle contemporain des pays occidentaux dits développés, à savoir le libéralisme.
Ceci nous porte à en observer les fondements et ramène à Darwin. Lui qui a étudié les espèces et leur évolution avait identifié à la fois la compétition et la coopération comme deux modes de fonctionnement présents dans la nature. On les observe parmi les espèces, et il semblerait qu’ils se retrouvent à tout niveau du vivant.
Coopération
À l’intérieur de nos cellules se trouvent les mitochondries, usines énergétiques du corps humain. Ces mitochondries sont des êtres à part. Elles possèdent leur propre identité génétique complète et ne sont pas une production du noyau des cellules. Autrement dit, elles ne font pas partie de notre code génétique, mais elles sont et vivent en nous. Il en est de même pour d’autres inclusions présentes dans nos cellules et dans notre corps, comme les bactéries et les microbes qui cohabitent en nous et font leur part en son sein. (cf le charme discret de l’intestin).
La présence des mitochondries dans nos cellules est le résultat d’un processus de symbiose: « association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants. » Autrement dit, l’aboutissement d’un principe de coopération est présent jusque dans nos cellules: les mitochondries servent d’usines énergétiques, en contrepartie la cellule hôte garantit à ses partenaires un approvisionnement stable en nutriments de toutes sortes.
Il devient évident que les êtres humains ont évolué et co-évoluent avec les bactéries et les microbes. Ils ne sont pas nous au sens biologique du terme, mais ils sont nous au sens matériel. Ils font partie intégrante de notre corps physique. Ainsi nous ne sommes pas seulement notre patrimoine génétique qui se développe mais le résultat de la coopération d’un ensemble d’acteurs qui échangent. Le système du vivant est, semble-t-il, bien plus complexe encore que le saint ADN et son message codé. Notre égocentrisme en prend un premier coup.
Par ailleurs, les cellules qui composent un organisme sont en compétition. Comme nous l’avons vu lors du processus d’autophagie, il s’opère une sélection naturelle des protéines aux bénéfices de l’organisme. Phénomène purement évolutionniste.
Ainsi la coopération semble aussi élémentaire et naturelle que la compétition. Tout aussi vitale. Les exemples se retrouvent au sein de toutes les strates: d’un organisme, d’une espèce mais aussi entre individus d’espèces différentes. Ainsi, un loup et un corbeau isolés peuvent s’associer pour chasser et combler chacun leur besoin primaire d’alimentation.
Compétition
La compétition dans un milieu est saine dans le sens où elle favorise une qualité. Dans un certain référentiel, un microcosme, elle semble bénéfique à l’espèce. Mais dans un référentiel plus large, dans son macrocosme elle ne serait plus la loi permettant à l’espèce de survivre et prospérer, laissant place à la coopération.
On retrouve les deux principes essentiels à chaque échelle, du micro au macro, ce qui en fait une loi universelle à l’échelle du vivant. S’étend-elle au-delà de ce que nous nommons le vivant? Retrouve-t-on la compétition et la coopération dans le comportement des particules élémentaires au niveau quantique? Dans la transmission de l’information?
Pour Darwin, si l’humain a été retenu par la sélection naturelle, c’est pour ses capacités d’empathie, mais aussi pour ses forts instincts sociaux et de coopération. En ce qui concerne les humains, ce n’est pas la loi du plus fort qui s’exprime.
« L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt » a écrit Jean-Jacques Rousseau. Sans écarter les faits cette fois, mais plutôt en commençant par les observer, l’homme ne naît ni bon ni mauvais. Il naît animal qu’il est. Il devient un homme par l’éducation qu’il reçoit. D’autant que l’homme construit la société, il en est donc une cause autant qu’une conséquence.
Le libéralisme inspiré de Darwin est sans doute fondé de bonnes intentions. Ne lui faisons pas de procès gratuit. De fait ce serait critiquer la proposition qui a le mieux fonctionné (en matière de progrès) jusqu’à aujourd’hui.
Reste qu’imposer n’est pas bon. Intrinsèquement contre nature lorsqu’il s’agit de liberté. Si noble soit ce principe. Un humain persuadé de son unicité individuelle alors qu’il fait partie d’un tout s’exprime nécessairement à travers la dualité. Ainsi, l’égocentrisme est notre plus grand mal.
N’oublions jamais que les organismes sont des populations et les populations des organismes (Antifragile – Nassim Nicholas Taleb). Et que nous n’échappons pas à cette règle d’ensemble. Telle est la complexité du système. En somme tout est lié.
Dans notre cas, celui de l’égocentrisme, le problème s’il en est, est le modèle qui fut mis en avant: Nous contre Eux. La compétition devant la collaboration. L’individualisme total sans conscience de la profondeur de l’ensemble. Si l’individu peut exister le plus librement possible, il demeure néanmoins lié et dépendant de son environnement.
Lorsque le libéralisme s’exprime uniquement par le prisme du matérialisme, il constitue un échec terrible en son manque de conscience. II fut probablement pensé plus large telle une philosophie et non une théorie économique.
Pareto en observant les relations de cause à effet dans leurs proportions démontre les limites du libéralisme, dans le sens où les hommes parce qu’ils sont hommes dotés de raison, recherchent à vivre ensemble socialement en harmonie. Or cette harmonie ne peut exister alors qu’un tout petit nombre possède la très grande majorité des richesses.
Le libéralisme s’est-il trompé ?
Par définition il semble qu’on ne peut imposer la liberté. On la laisse être.
Le libéralisme en tant que modèle économique s’est illustré. L’efficience du marché n’est plus à démontrer. Une compétition économique mondiale est saine à long terme. En revanche lorsque celle-ci dépasse la sphère des affaires commerciales et qu’elle pénètre les domaines régaliens à travers la politique par exemple mais encore le domaine de la santé qui indirectement touche à la vie, ou encore l’environnement c’est-à-dire la nature, on se rend compte qu’avoir un modèle économique en tant qu’art de vivre, c’est délétère.
Des dérives apparaissent comme à chaque fois qu’un petit nombre souhaite penser un ensemble complexe. Le jeu devient truqué. Un petit groupe possède une immense part du gâteau alors que le marché est devenu mondial, selon sa réalisation.
Le « tout mercantile » revient à ne plus disposer de son temps. Détournement de l’attention, de la vie au marché. Or le temps n’est pas de l’argent mais de la vie. La vie est le présent. Lorsque l’on s’interroge sur la nature et la qualité du moment présent, on perçoit clairement que la vie heureuse est vivre selon sa nature, non selon un marché. C’est dans les priorités finalement que nous nous sommes égarés, pour ne pas dire fourvoyés.
En somme lorsqu’on mélange tout, qu’on perd de vue les priorités, on devient médiocre dans son oeuvre. Et il faut beaucoup d’humilité pour le reconnaitre et se recentrer plutôt que de s’enfoncer.
Lorsqu’on se tourne vers l’intérieur on peut trouver son équilibre. Chacun peut faire ça. Si chacun est dans un équilibre nous créons une somme d’équilibres immanents, donc solides et pérennes qui peut-être pourront vibrer ensemble. Retour au localisme, à la terre, à la nature, au développement personnel et à la raison.
Le libéralisme, comme les autres courants, est une doctrine, une idéologie. Donc une croyance comme l’illustre Yuval Noah Harari dans Sapiens: une brève histoire de l’humanité. Ce qui n’est ni le caractère de la vie, ni celui de la nature. En fait, ces courants furent les nouvelles religions nées du siècle des lumières. Fondés sur la liberté, ils critiquent et remettent profondément en cause les dogmes religieux. Ils rejettent l’idée que le passage sur terre ne soit que dur labeur et que seul le paradis nous délivre dans le sens où le bonheur, la béatitude, n’existerait pas sur Terre. Ce qui part, convenons-en, d’un bon sentiment.
Le marché ne peut acheter la vie, et si un jour il le peut alors le libéralisme aura triomphé d’une bien triste manière. Le mouvement qui le représente a cessé de se soucier sincèrement de son environnement, de son écosystème, de la vie qui l’entoure et qui simplement, lui permet d’être. Comme la branche qui aurait oublié qu’elle n’était que le prolongement de l’arbre. Elle s’en souviendra lorsque l’arbre mourra.
Par ailleurs, nous pouvons noter la transposition de ce principe d’accès au bonheur dans l’imaginaire collectif. Dans les religions dominantes, la béatitude ne se trouve pas dans la vie mais après la mort, au paradis. Le bonheur n’est pas ici. Il n’est pas maintenant. Or le libéralisme perpétue cela en insufflant que le bonheur s’achète. Ou que le marché fera le bonheur dans l’avenir.
Il n’y a pas de moment présent dans cette idée, il y aura toujours quelque chose de mieux à acquérir, une richesse à accumuler. Un avenir meilleur. Cette notion de temps est peut-être ce qui est notre plus grande incompréhension de la vie.
Le moment présent
À chaque période idéologique pourtant, les sages ont parlé, écrit, et nous ont éclairé. Épicure et son disciple Horace, auteur de « carpe diem » qui ne signifie pas profiter de tout maintenant tout de suite et ne se soucier de rien, mais simplement d’habiter le présent pleinement.
Sénèque par exemple De la brièveté de la vie, concentré de sagesse qui remet le temps à sa juste valeur, c’est-à-dire le déterminant de la vie et donc la chose la plus précieuse qui soit au vivant.
De la Boètie fait écho à cela 1500 ans plus tard dans son discours de la servitude volontaire, qui nous rappelle que la liberté est de disposer de sa vie et donc de son temps, que c’est la chose la plus précieuse à conserver.
Derrière lui Spinoza qui rejette l’idée que le bonheur soit ailleurs que dans la vie, et qui au contraire s’acquiert par la connaissance. Que la sagesse est le bien suprême car elle permet de reconnaitre que la réalité est parfaite, ici et maintenant.
Et bien d’autres. Eckhart Tolle, contemporain, avec le pouvoir du moment présent. Sans occulter tout le spectre de la philosophie asiatique, notamment le bouddhisme, qui cultive l’instant présent par essence, et ce depuis des millénaires.
Voici ce que l’égocentrisme peut causer: ne plus voir que depuis des millénaires, partout dans le monde, peu importe les origines, les Sages cultivent l’instant présent.
Le libéralisme a permis un développement et une avancée technologique et scientifique sans précédent. Sans parler de l’augmentation de l’espérance de vie de notre espèce. Il démontre également deux choses contre lesquelles nous avions déjà été mis en garde: lorsque l’homme se fait une mission d’imposer aux autres sa propre vision cela est toujours délétère. L’autre? Que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Les idéologies comme les systèmes économiques, ou encore certaines croyances religieuses, sont établies en fonction du principe selon lequel le bien se trouve en l’avenir. Dans le futur ou une finalité. Permettant ainsi que la fin justifie les moyens. Cette finalité n’est qu’une projection mentale commune. Dès lors tout est envisageable puisque la cause est réputée juste et bonne. Et c’est ainsi que l’enfer fût pavé de bonnes intentions.
Imposer des règles n’appartient pas à un petit groupe mais aux peuples souhaitant vivre ensemble. Même au titre du bien commun, se mettre au-dessus des peuples, de la nature, et créer les règles du jeux pour les autres finit toujours mal. L’humilité est une qualité qui chasse la médiocrité.
Le mental au contrôle, individuellement et collectivement, forme une maladie psychologique dont le moment présent a le pouvoir de nous sortir. La conscience est la lumière. Le fleurissement de notre civilisation ou l’avènement d’une autre passe par une élévation de conscience.
De l’égocentrisme vers un monde altruiste
Pour ce voyage il convient d’ouvrir tout grand, en utilisant par exemple les moyens de communication mis à notre disposition pour aller chercher le savoir, la connaissance valable, voire la sagesse, au bon endroit. Faire notre quête de la vérité avec un esprit critique aussi aiguisé que la lame d’un samouraï.
Faire le travail en soi-même. Ouvrir les sens, ouvrir l’intuition, ouvrir les chakras, ouvrir le coeur. Il existe une multitude de façons. Néanmoins un outil que nous citerons parmi elles: la méditation. De manière générale toute porte d’accès au moment présent (la nature, le mouvement, le corps). Revenir physiquement au présent et au local. À la réalité.
Pour ceci toujours pas de secret: la lecture est un bon départ mais elle ne rivalise pas une seconde avec la nature des choses. La pratique. L’action. Nous savons motiver la compétition, l’égocentrisme. L’altruisme se cultive lui aussi.
Si le cerveau pense, le cœur sait. Doté de sa propre intelligence, il est le centre de l’unité, de la complétude, de la conscience unitaire. (si vous doutez de cette puissance, lisez donc le deuxième cerveau et ses révélations).
Le Dr Joe Dispenza décrit dans son oeuvre Devenez Super Conscient: c’est dans le coeur que les opposés se rencontrent, que les polarités se rejoignent. C’est ce centre qui vous relie au champ unifié. Quand il est activé, les états égocentriques laissent place aux états altruistes.
Que dit votre coeur aujourd’hui? Que vous devez travailler plus pour changer de voiture et partir en vacances pour vous reposer ou plutôt ralentir, passer du temps dans la nature et écouter de la musique?
L’altruisme est la fin d’une dualité exacerbée par la mondialisation. Selon le professeur en philosophie Kenneth Chandler, si la Grèce antique a connu un tel apogée c’est en partie parce que ce peuple a utilisé des techniques de développement intérieur vers des états de conscience supérieure en faisant l’expérience profonde de la réalité de l’unité de toute la création. Ce qui s’apparente grandement à une expérience de méditation profonde.
Enfin pour les défenseurs du libéralisme, tout n’est pas perdu. À condition de remettre chaque chose à sa place. Pour cela il y a Charles Gave: pourquoi le libéralisme? Rappelons-nous que le risque est inhérent à la liberté et que vouloir tout contrôler lui nuit. Et que fait l’égo à part chercher le contrôle?
Dépasser l’égocentrisme par l’élévation de la conscience et le lâcher prise, dont l’un des outils est la méditation. Le prochain article sera dédié au pouvoir du moment présent.
Tout ce qu‘il nous faut est de mettre de l’ordre à l’intérieur et l’extérieur prendra soin de lui–même – Eckhart Tolle
Très intéressant.
Beaucoup de références que je partage et beaucoup de découvertes 🙂
Merci beaucoup Fab !
Merci beaucoup Victor! Commentaire lourd de sens face à ton oeuvre sur ce thème, et tout le coeur que tu y mets. Pour les intéressés qui se seraient rendus jusqu’ici, rendez-vous sur le site homodominatus.com pour découvrir ton travail. « Comme le pensait Aristote, il appartient à l’Homme de procéder à un travail d’introspection afin de découvrir sa véritable nature, ce pourquoi il est fait et quelle peut être sa place au sein de la communauté. L’individu est alors libre lorsqu’il réalise sa nature, lorsqu’il accomplit ce pourquoi il est fait. Non pas lorsqu’il fait ce qu’il a envie de faire… Lire la suite »