Jiddu Krishnamurti, entre sagesse et conscience

Jiddu Krishnamurti était un penseur et enseignant spirituel indien du XXe siècle. Ses enseignements ont influencé de nombreuses personnes à travers le monde. Sa pensée centrale tournait autour de la liberté individuelle, la vérité, et la connaissance de soi. Elle continue de nous enrichir.

La pensée de Jiddu Krishnamurti

Tout d’abord, partageons quelques-unes de ses pensées profondes :

La vérité est sans chemin

“La vérité est un pays sans chemin. On ne peut l’atteindre par aucune route, quelle qu’elle soit, aucune religion, aucune secte.”

La liberté intérieure 

« La liberté est essentielle pour qu’il y ait découverte ; la liberté de remettre en question, la liberté de tout examiner, de tout explorer. »

“La liberté intérieure est le début de l’intelligence. La liberté n’est pas le fruit de la révolte, mais elle est la compréhension du besoin de rechercher la vérité.”

L’importance de la connaissance de soi

“La connaissance de soi est le commencement de la sagesse. Sans connaître notre propre esprit et notre propre cœur, il n’est pas possible de connaître quoi que ce soit d’autre.”

« Sans connaître notre propre esprit, ce que nous pensons, ce que nous ressentons, ce que nous voulons, comment pouvons-nous connaître ce qui est vrai ? »

Sur l’éducation

« La fonction de l’éducation est de créer des êtres humains intégrés qui sont capables de faire face à la vie avec intelligence. »

« L’éducation traditionnelle fait en sorte que l’esprit suive un modèle fixe ; alors qu’un esprit libre de tout schéma peut explorer l’inconnu. »

L’amour et les relations

“L’amour n’est pas une réaction. Si j’aime parce que vous m’aimez, ce n’est pas de l’amour, mais du commerce. L’amour est quelque chose de totalement neuf, chaque jour, mais ce n’est pas de la répétition.”

« La relation est un miroir dans lequel on se découvre soi-même. »

La peur et la compréhension de soi

“La peur provient toujours de l’ignorance et du manque de compréhension de soi-même.”

« Pour comprendre la peur, nous devons être en relation avec elle et l’examiner. Nous devons l’apprendre, et non l’échapper. »

Krishnamurti mettait l’accent sur l’importance de l’observation sans jugement, la compréhension directe sans intermédiaire, et l’autonomie de la pensée. Il encourageait les individus à remettre en question tout ce qu’ils acceptaient comme vérité. Ainsi à découvrir par eux-mêmes la nature de la réalité, sans se conformer aux dogmes ou aux systèmes établis. Pour lui, la vraie révolution était celle qui se produisait à l’intérieur de chaque individu, par la libération de l’esprit et la compréhension profonde de soi.

L’influence de Jiddu Krishnamurti

L’influence de Jiddu Krishnamurti s’étend largement et touche de nombreux domaines, notamment la philosophie, la psychologie, l’éducation et la spiritualité. Voyons quelques aspects clé de son influence :

Philosophie et spiritualité

Une approche non dogmatique : Krishnamurti a prôné une exploration individuelle de la vérité sans s’attacher à aucun système de croyance, religion ou autorité. Cette approche a inspiré de nombreux penseurs et chercheurs spirituels à remettre en question les dogmes établis et à chercher leur propre compréhension de la réalité.

L’importance de l’observation : sa méthode d’observation directe sans jugement a influencé de nombreuses pratiques de méditation et de pleine conscience, y compris certaines approches de la méditation bouddhiste et de la mindfulness.

Psychologie

L’exploration de la conscience : Krishnamurti a souvent exploré les thèmes de la peur, du désir, et de la pensée conditionnée, influençant des psychologues humanistes et des thérapeutes. Ses discussions sur la nature de la pensée et de la conscience ont été particulièrement influentes pour des psychologues comme David Bohm, avec qui il a collaboré.

Les échanges entre Krishnamurti et le physicien et philosophe David Bohm ont donné naissance à des idées nouvelles sur la nature de la conscience et de la pensée, ayant un impact durable sur les théories de la psychologie et de la science cognitive.

Éducation

Krishnamurti a fondé plusieurs écoles à travers le monde, notamment en Inde, en Angleterre et aux États-Unis. Ces institutions, comme la Rishi Valley School et la Brockwood Park School, mettent l’accent sur une éducation holistique qui favorise la liberté de pensée, la responsabilité individuelle et l’intégration de la connaissance académique avec la compréhension de soi.

Son approche de l’éducation vise à libérer les enfants des conditionnements sociaux et à encourager un développement complet de l’individu. Cette philosophie a influencé de nombreux éducateurs et réformateurs de l’éducation. Comme il le dit lui-même, se libérer du connu.

Culture et société

Krishnamurti a influencé des leaders d’opinion, des artistes et des écrivains, y compris Aldous Huxley, Henry Miller et Bruce Lee. Son impact se retrouve dans diverses œuvres littéraires et philosophiques.

Ses idées ont également trouvé un écho dans les mouvements de la contre-culture des années 1960 et 1970, où de nombreuses personnes recherchaient des alternatives aux valeurs traditionnelles et aux structures établies de la société.

Théories sociales et politiques

Krishnamurti a souvent critiqué les systèmes politiques et sociaux qui, selon lui, maintenaient les individus dans un état de conformisme et de dépendance. Sa vision d’une société basée sur la compréhension et la liberté intérieure continue d’influencer des mouvements et des penseurs qui cherchent des alternatives aux structures politiques actuelles.

L’influence de Jiddu Krishnamurti est profonde et multidimensionnelle, touchant divers aspects de la pensée humaine et des pratiques sociales. Son appel à une transformation intérieure par la connaissance de soi et la liberté individuelle continue de résonner dans le monde contemporain, inspirant des individus et des communautés à rechercher une vie plus consciente et authentique.

Son message à l’humanité

Le lien à la nature est le lien universel, à tout les hommes, au vivant, et au-delà. Rester connecté à la nature pour conserver une compréhension juste du monde. On retrouve cette prépondérance de la nature, que j’ai moi-même manifesté dans mes travaux.

Celle-ci amène à l’humilité. Le lien entre l’humanité et la terre est d’ailleurs évident. Rappelons qu’il est même étymologique: humus.

L’humilité qui permet de voir la vie comme elle est. Le fait et non l’image, la représentation. Pourquoi ? Par absence du filtre du moi, du je. L’abandon de soi en somme.

Cette pureté de présence illumine et manifeste que la même énergie parcourt chaque chose, et que celle-ci est l’intelligence la plus élevée. Ce que nous appelons conscience.

Extraits 1 – « Se libérer du connu »

« Apprendre exige une grande sensibilité, et celle-ci est détruite chaque fois qu’une idée, qui appartient nécessairement au passé, domine le présent. L’idée détruit la vivacité de l’esprit, sa souplesse, sa vigilance. Mais la plupart d’entre nous manquent de sensibilité, même physiquement. L’excès de nourriture, le peu de compte en lequel on tient un régime sain, l’abus de tabac et d’alcool rendent le corps épais et insensible; la qualité d’attention de l’organisme est émoussée. Comment l’esprit peut-il être vif, sensitif, clair, si l’organisme lui-même est alourdi et apathique? Il peut être sensible à certaines choses qui touchent la personnalité directement, mais pour être complètement sensible à tout ce que la vie implique, il ne faut pas de séparation entre l’organisme et la psyché, car ils constituent un seul mouvement total.

Pour comprendre une chose – quelle qu’elle soit – il faut vivre avec elle, l’observer, connaitre tout son contenu, sa nature, sa structure, son mouvement.

Avez-vous jamais essayé de vivre avec vous-mêmes ? Dans ce cas, vous avez remarqué que ce vous-même n’est pas un état statique, mais une chose vivante, toujours renouvelée. Et pour vivre avec une chose vivante, l’esprit doit, lui aussi, être vivant. Mais il ne peut pas l’être s’il est pris dans un réseau d’opinions, de jugements, de valeurs.

En vue d’observer le mouvement de votre esprit et de votre cœur, le mouvement de tout votre être, il vous faut avoir un esprit libre, qui ne s’attarde pas à acquiescer, à réfuter, à prendre parti dans une discussion, à argumenter sur des mots, mais qui s’attache à suivre ce qu’il observe, avec l’intention de comprendre. C’est difficile, car la plupart d’entre nous ne savent ni regarder ni écouter leur propre être, pas plus qu’ils ne voient la beauté d’un cours d’eau ou qu’ils n’entendent la brise dans les arbres. » – J. Krishnamurti 

Extraits 2 – « Se libérer du connu »

« Voir est une des choses les plus difficiles au monde : voir ou entendre, ces deux perceptions sont semblables. Si vos yeux sont aveuglés par vos soucis, vous ne pouvez pas voir la beauté d’un coucher de soleil. Nous avons, pour la plupart, perdu le contact avec la nature. La civilisation nous concentre de plus en plus autour de grandes villes : nous devenons de plus en plus des citadins, vivant dans des appartements encombrés, disposant de moins en moins de place, ne serait-ce que pour voir le ciel un matin ou un soir. Nous perdons ainsi beaucoup de beauté. Je ne sais pas si vous avez remarqué combien peu nombreuses sont les personnes qui regardent le soleil se lever ou se coucher, ou des clairs de lune, ou des reflets dans l’eau.

N’ayant plus ces contacts, nous avons une tendance naturelle à développer nos capacités cérébrales. Nous lisons beaucoup, nous assistons à de nombreux concerts, nous allons dans des musées, nous regardons la télévision, nous avons toutes sortes de distractions. Nous citons sans fin les idées d’autrui, nous pensons beaucoup à l’art et en parlons souvent. A quoi correspond cet attachement à l’art ? Est-ce une évasion ? Un stimulant. Lorsqu’on est directement en contact avec la nature lorsqu’on observe le mouvement de l’oiseau sur son aile; lorsqu’on voit la beauté de chaque mouvement du ciel; lorsqu’on regarde le jeu des ombres sur les collines ou la beauté d’un visage, pensez-vous que l’on éprouve le besoin daller voir des peintures dans un musée. » – Se libérer du connu

De l’éducation

L’éducation holistique mène à sentir que tout est lié. En outre, percevoir l’unité comme l’immensité de l’esprit et du coeur. Savoir l’absence de séparation.

C’est le message que nous laisse Krishnamurti. Je vous invite à lire un passage édifiant d’un dialogue imaginé entre un étudiant et son enseignant dans le dernier journal de Jiddu Krishnamurti. Ceci commence à la page 139 de cette édition. Une leçon contemporaine.

Pour l’auteur, la science et la religion doivent être enseignées ensemble. Il ne s’agit pas de la religion « religieuse » comme il en est aujourd’hui. Mais de l’étymologie du mot. De l’art, du moins la capacité, de relier les faits entre eux. De lier ce qui est ensemble, car c’est réel. Ce qui est, est lié, et forme le tout. Ceci est la religion de J. Krishnamurti.

L’écueil devant lequel il nous confronte est vertigineux. Se laisser submerger pour connaître et perpétrer la médiocrité, ou devenir seulement ce que l’on est. Je vous laisse aller page 150 de la même édition.

Concluons ce plongeon dans le dernier journal par le message à l’éducateur.

« Nous l’avons souvent répété, l’éducation consiste à développer tout le cerveau et pas seulement une partie de celui-ci; c’est la formation hollistique de l’être humain. Une école secondaire devrait enseigner aussi bien la religion que la science. Cette dernière est en fait la culture de la connaissance, n’est-ce pas ? C’est la science qui a contribué à provoquer l’Etat de tension actuel de notre monde. C’est elle qui, par le savoir, a permis la fabrication de l’instrument le plus destructeur que l’homme ait jamais découvert. Il peut d’un seul coup, en quelques secondes, annihiler des cités entières, pulvériser des millions d’hommes. Mais la science nous a aussi apporté beaucoup de choses positives: la communication, la médecine, la chirurgie, et d’innombrables petites choses qui améliorent le confort de l’homme, lui rendant la vie plus facile en lui épargnant le labeur sans fin lié à la recherche de nourriture, aux tâches domestiques, etc. Elle nous a aussi donné cette divinité moderne qu’est l’ordinateur.

On peut énumérer toutes les aides que la science a apportées à l’homme, ainsi que tous les moyens de se détruire, d’anéantir toute l’humanité et la vaste beauté de la nature. Les gouvernements se servent des hommes de science et ceux-ci aiment travailler pour les gouvernements, ce qui leur donne une situation, de l’argent, de la considération, etc. Les hommes se tournent aussi vers la science pour promouvoir la paix dans le monde, mais celle-ci y a échoué. La politique et les politiciens n’ont pas non plus réussi à donner aux hommes une véritable sécurité, une paix dans laquelle ils puissent vivre et cultiver non seulement les champs, mais leur cerveau, leur cœur et leur art de vivre, c’est-à-dire l’art suprême. »

La vocation de l’éducateur est la plus noble qui soit en ce monde. Le cœur, le corps et l’esprit, ensemble. Courage.

De la responsabilité de chacun

La clé semble donc être l’éducation. Si ceci apparaît comme une évidence, pourquoi ne le fait-on pas ? Par manque de conscience, par ignorance et donc par bêtise ? Par volonté de contrôle, autrement dit par l’égocentrisme qui construit la médiocrité ?

Le chemin est le changement intérieur de chacun à son niveau, qui guidera chaque autre, chaque prochain, vers sa propre lumière. Dès lors, la conscience collective s’élève et peut être l’éducation changera en s’élevant à son tour. Ce qui inscrirait l’humanité dans un cercle vertueux, celui de la spiritualité. De l’intelligence globale.

Ce changement intérieur, en chacun et par chacun, ne peut se faire que par la voie de la connaissance de soi-même exprimant une compréhension du monde propre. Une vérité personnelle, relative, par liberté intérieure. Laquelle demeurera en mouvement, en évolution constante, puisque cette dernière fait et se défait. Apanage de la conscience.

Le monde est la responsabilité de chacun. Tout est lié. Chacun individuellement fait le monde. Ainsi, il convient de s’indigner contre le non-respect de la nature, contre la déformation de la vérité et sa revendication. Pourquoi est-ce si important ? Car c’est le développement personnel de l’humain. En somme, la quête de vérité est le développement personnel.

Voilà tout ce qu’il nous faut savoir : savoir que l’on ne sait rien et vivre correctement avec ce fait. Dans l’humilité. Krishnamurti érigea un rempart moderne à la transcendance, s’inscrivant dans la grande famille de l’immanence. La grandeur est à l’intérieur.

Le mot de la fin

Qui lui revient naturellement.

« Si l’on ne se compare à personne, on devient ce que l’on est. »

« Tout cela est entre vos mains. il n’existe pas de maître, il n’existe pas d’instructeur. Il n’existe personne pour vous dire ce que vous devez faire. Chacun de nous est seul dans ce monde fou et brutal. »

N’oublions jamais que « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être adapté à une société malade. »

– J. Krishnamurti

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