L’autre raison de mon voyage, après la découverte du Kung Fu Shaolin, est la grande muraille de Chine. Ce gigantesque mur mythique m’intrigue. Aussi ai-je prévu d’y passer quelques jours pour le parcourir et me ressourcer. Suite à un intense camp d’entrainement en Thaïlande et une aventure Shaolin haute en couleur, il est temps de souffler et reprendre l’aventure sur le plus grand édifice jamais bâti par l’homme.
Brève histoire de Ia grande muraille de Chine
Initialement d’une longueur d’environ 5000 km (ou 6700 km selon les sources et les périodes), la grande muraille portait bien son nom: « Wan-Li Changcheng » c’est-à-dire « mur long de 5000 km ». Le terme Wan Li, littéralement 10000 li (une unité de longueur équivalant à un demi-kilomètre) équivaut donc à 5000 km.
En réalité la Grande Muraille de Chine mesure plus de 20000 km. En 2012, une étude scientifique menée pendant 5 ans a permis de déterminer une longueur totale de 21196 km. Elle se compose de murs, de barrières naturelles et de tranchées.
Son origine exacte reste floue dans le temps et remonte au minimum au IIIe siècle avant JC. Elle est une construction militaire érigée pour protéger la frontière nord de la Chine. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, la Grande Muraille s’étire entre Shanhaiguan à l’est et Jiayuguan à l’ouest. Elle est composée de frontières naturelles, des montagnes ou des rivières, ainsi que de tranchées et de fortifications ponctuées de tours destinées à la surveillance et d’abris pour se protéger.
Comment la visiter ?
Par son immensité, la grande muraille de Chine offre de multiples possibilités aux voyageurs et aventuriers, avec lesquels je partagerai mon expérience. En effet, il existe pléthore d’offre touristique et il n’est nul besoin d’en parler. Camarade touriste, google est ton ami, clique sur les premiers liens et autour de Pékin ton chemin tu trouveras.
Ainsi nous allons partir du principe que nous souhaitons éviter ces endroits restaurés et faciles d’accès, touristiques en conséquence. La horde sauvage d’appareil photo et l’attroupement de guignols décérébrés, très peu pour moi.
Pour ma part je préfère ne pas visiter un lieu plutôt que de m’y rendre alors qu’il est bondé de touristes. Tout le charme disparaît à mes yeux et nuit profondément à l’expérience. En est-il de même pour vous?
Intéressons-nous donc à ce qui ne peut être visité facilement. À ce qu’il faut chercher et atteindre par la marche, la grimpette et à ce qui, en conséquence, a su rester authentique.
Les critères que je retiens sont l’éloignement des villes, la préservation du site (certaines zones sont détruites), la non-restauration récente, la géographique naturelle et le paysage, la longueur de la grande muraille accessible et la communication des différents sites pour pouvoir couvrir une bonne distance sur le mûr et m’en imprégner pleinement.
Selon ces critères, c’est la région de Jinshanling qui l’emporte. Elle semble correspondre à ce que j’attends: certaines zones sont peu fréquentées et elle relie différents grands sites magnifiques comme Simatai et Gubeikou, suffisamment éloignés entre eux pour que personne ou presque ne s’y risque sur la journée. Je pense y trouver des zones originales, presque intactes.
Depuis Dengfeng je traverse le centre de la Chine en TGV express direction Pékin où je teste le métro. Surprise, comme dans un aéroport, les sacs et bagages sont passés au scan et les personnes passent des portiques détecteurs! Un monde dingue. Vite, s’éloigner. Par miracle je parviens (relativement) facilement à prendre un bus qui monte dans les montagnes, direction Jinshanling.
Jinshanling – Gubeikou, la meilleure partie de la grande muraille de Chine
Je réserve une petite auberge qui accepte les étrangers, à l’écart de la zone touristique. J’ai repéré qu’en fournissant un petit effort je pouvais accéder à la grande muraille en traversant la forêt depuis l’auberge puis en grimpant la montagne. Il doit exister des chemins qui mènent là-haut. Le patron reste évasif: « oui il existe mais débrouille-toi pour les trouver parce qu’ils sont clandestins! » Ça commence à me plaire. J’irai explorer la zone au petit matin.
Pour les voyageurs intéressés, ici le lien vers l’auberge.
En terre totalement inconnue il s’agit de ne pas faire n’importe quoi. Je monte par la route habilitée et trouve l’entrée touristique de la grande muraille de Chine. Je prends des billets pour deux jours afin de ne pas être dans l’illégalité sur le grand mur mais j’espère bien ne plus jamais repasser par la case commerciale. Au bout de 30 minutes d’ascension je n’ai croisé que deux vendeuses chinoises qui montent leurs denrées sur la muraille. Je ne tarde pas à me lier d’amitié avec les deux et ainsi à la fin de la journée lorsque je recroiserai l’une d’elles sur le chemin du retour, elle m’indiquera le chemin des bois, pour revenir au village par la forêt…
En effet, les horaires affichés aux portes commerciales sont 9am et 18h30. Compliqué pour assister à un lever de soleil à 4h30 et un coucher vers 19h. Ainsi ce jour, après une course de 15km sur la grande muraille, j’ai tout mon temps pour redescendre. La portion Jinshanling Est proche Simatai – Jinshanling Ouest direction Gubeikou est absolument splendide. Fantastique. La zone direction Simatai est la plus authentique que j’ai pu voir, jamais restaurée. À noter qu’il n’est pas possible de rejoindre Simatai ni par la muraille ni par des chemins aménagés dans la forêt. Ce qui est dommage et à la fois un bon point car Simatai est très touristique. Cette partie reste ainsi isolée.
Il est possible de rejoindre Gubeikou depuis Jinshanling ouest par la forêt tout d’abord (la grande muraille étant une zone militaire à cet endroit) puis de remonter sur le grand mur plus loin. C’est une expédition: plus de 20km AR sur un mur qui serpente sur les crêtes. Si vous avez le temps et l’envie, bien équipé, n’hésitez pas une seconde.
Le mythe de la Grande Muraille de Chine
Sans précisément savoir pourquoi, dans la genèse du projet Kung Fu Shaolin en Chine, j’ai immédiatement ressenti l’envie d’aller passer du temps et visiter la grande muraille. Il faut suivre ce genre d’intuition qui vous mènent au bon endroit au bon moment.
En montant, traversant la forêt, déjà, je me régale. À part les deux vendeuses ambulantes je suis tout seul de bon matin. Le décor est magique. La vie est très abondante dans ce havre de nature. Les oiseaux gazouillent, les faisans chantent, les papillons virevoltent. La forêt est joyeuse et elle me communique un large sourire.
Durant l’ascension je l’aperçois, plusieurs fois, dominant les crêtes. Le plus grand édifice jamais construit par l’homme: un gigantesque dragon majestueux qui défie l’horizon. Je pose le pied sur son dos. Frissons. Bien qu’en pierre, la vie foisonne autour de lui et il règne une atmosphère spéciale là-haut. Un mélange d’histoire ancienne et de nature qui aurait repris ses droits. Un autre temps contraint de respecter le présent.
Les sens sont en éveils, au max! Je pourrai écrire mille mots sur les sentiments qui me parcourent. Fouler la pierre effritée, érodée, pénétrer dans les tours de garde et les abris, courir sur les pavés, monter, descendre, relever la tête face à ce géant et constater que l’humilité est un bonheur simple.
Ce jour comptera environ 5 km de marche et 15 km de course à pied. Comparé à l’étendue de la zone et cette distance parcourue je ne croiserai que peu de monde. L’expérience est magnifique. La Grande Muraille m’appelle, non seulement je ne m’en lasse pas du tout mais j’ai encore plus envie d’échanger avec elle. Quel lieu. Je me pose et alors que je regarde le soleil descendre, je programme la montée du lendemain: lever 3h45, 30min d’ascension, à 4h30 aux avants-postes pour les premières lueurs.
Je redescends à l’auberge à travers la montagne à la nuit tombée, des étoiles dans les yeux, remettre de l’essence dans le moteur pour mieux recommencer.
Un lever de soleil pas comme les autres
Il est 3h44, comme prévu le réveil va sonner. Je le désactive. Pour mon anniversaire, je vais m’offrir les premières lumières du jour sur la grande muraille de Chine.
Je sors de l’auberge à 4am. Il fait encore très sombre. Tout est calme, la nature s’éveille. À peine la marche entamée que des aboiements sourds retentissent à quelques mètres de moi. Un instant de doute: un gros chien, il est très tôt, quelle est son intention? Le gros labrador blanc d’une auberge voisine, avec qui j’avais joué en redescendant la veille, me fonce dessus à toute allure, avant de me reconnaitre! Ouf. Pas de bagarre aujourd’hui.
Il est joyeux le bougre! Content de me voir visiblement. Je le flatte et lui souhaite bonne journée. Erreur. Il a prévu un autre programme, lui. En effet, Gros Blanc – n’ayant aucune idée de son petit nom de chien chinois, désormais il sera Gros Blanc – a décidé qu’il m’accompagnait. Ah bon. Mais jusqu’où? Parce que je vais loin quand même. Lui seul connaît la réponse, assurément.
Sa présence change tout de suite l’alchimie. J’adore les chiens, il le sait très bien et il choisit de me suivre dans cette aventure. Alors que nous progressons et nous éloignons, je lui ordonne à plusieurs reprises de rebrousser chemin et rentrer chez lui. Sauf que ce n’est pas moi qui commande en fait. Gros Blanc ici il est chez lui et il a bien décidé de célébrer ce moment avec moi. Soit. Je me résigne, bien heureux!
Maintenant que nous formons une équipe, il commence à chasser! ahah plein de ressources ce Gros Blanc. Je lui recommande de préserver ses forces parce que nous montons d’un trait. Le soleil n’attend pas, même les gros chiens blancs.
Je ne veux pas rater le début du spectacle et je presse le pas avec mon compère, alors que la nature s’affaire tout autour de nous. Nous montons en 25 minutes.
Le reste est exactement dans la lignée de la magie de l’instant. Un lever de soleil sur la Grande Muraille de Chine, TOUT SEUL avec Gros Blanc. Sérieusement, même en rêve je ne l’aurai pas imaginé. J’ai une pensée heureuse pour les deux autres plus beaux levers de soleil de mon existence, dont un partagé avec mes potes en haut du grand canyon. Un moment absolument fou quelques années plus tôt à la même date et la même heure, sur un autre continent. Seul le vécu du moment présent compte pour graver son souvenir intemporel en nos coeurs.
Gros Blanc se couche près de moi. Je me mets en position de méditation mais ce n’est pas nécessaire. Le spectacle est en moi et tout autour de moi, il suffit de s’offrir à lui. Tout est magnifique. Tout est parfait. Nous regardons la lumière s’intensifier et le soleil monter dans le ciel, tous deux en silence. Une heure de spectacle méditatif plus tard, je me gâte avec une bonne séance de Qi Gong. Gourmand que je suis, je ne peux passer à côté de cette énergie folle qui émane du soleil, de la grande muraille de chine et de sa nature environnante.
Enfin se dit Gros Blanc, nous continuons notre promenade matinale. Il est 6 heures, la matinée est encore jeune! Nous partons pour une marche de quelques kilomètres du côté Est, vers le soleil et vers Simatai, la partie la plus sauvage. En effet, je n’ai pas de laisse pour le gros chien et comme il est incontestablement avec moi sur le grand mur, je ne tiens pas à croiser du monde. On raisonne en équipe.
Après une belle marche agréable avec mon fidèle Gros blanc, je partage l’eau ainsi que quelques gâteaux que j’avais pris comme encas pour la journée. C’est lui mon cadeau. Il n’avait pas envie que je passe cet instant tout seul. Il m’ancre dans le présent et rend le moment encore plus délicieux. C’est ce moment tout entier mon présent, dont je me souviendrai indéniablement toute ma vie.
Le plus beau présent ne peut être acheté. Il se crée et se vit. C’est ainsi que, depuis quelques années, j’aime célébrer ce jour de venue au monde comme un jour pour soi, pour se retrouver et se recentrer, dans la plus grande simplicité.
Vers 10h, les premiers visiteurs arrivent en haut. Nous décidons de redescendre, repus de bonnes vibes. En bas, en arrivant à l’auberge de Gros Blanc, je vois la patronne Chinoise qui sort et qui commence à enguirlander mon compagnon de route. Je parviendrai (ou pas) à lui faire comprendre que Gros Blanc était avec moi, et cela ne fait aucun problème. Un dernier regard complice mais il n’évitera pas une bonne soufflante en rentrant avec ses pattes boueuses dans l’auberge! Un génie.
Wouf Wouf – « Bon anniversaire mon vieux. » Merci Gros Blanc.
Je retournerai passer l’après-midi sur le mur, côté ouest, seul cette fois, dire au revoir à ce grand dragon d’un autre temps. Il suffit de contempler ces photos, le voile de lumière qui enveloppe les crêtes dans les nuages et renvoie tout son aspect mystique, pour comprendre que ce lieu est très particulier à l’Homme.
Ci-dessous l’aventure sur la Grande Muraille de Chine en images. Régalez-vous.
Après la traversée de la Chine par voie terrestre, la prochaine aventure sera consacrée à une épopée fantastique en Mongolie. À bientôt?
Photos disponibles dans le VCLP store.
C’est magnifique ! Quelle bonne idée d’avoir rechercher les critères qui te permettaient de vivre la muraille comme tu le souhaitais.
Vraiment magnifique et , merci à toi de nous faire partager cet endroit extraordinaire !, grandiose pour un anniversaire hors du commun. Riche idée . Félicitations
MJ