Trouver son ikigai

Suite à nos réflexions sur les arts martiaux et le développement personnel, nous allons maintenant voyager du côté du Japon afin d’introduire le concept de l’ikigai. Ce dernier représente une réflexion concrète pour trouver sa voie, donner du sens à sa vie et vivre en harmonie, en accord avec soi-même. 

Les arts martiaux japonais tel le Judo, le Karaté ou encore l’Aïkido, de traditions spirituels et philosophiques, ne sont pas des sports de combat. Ils sont des arts et ils cultivent l’art de la concorde. Et c’est depuis cette profondeur de l’harmonie que nous sortirons de la voie martiale pour observer l’ikigai. Équivalent japonais de la « joie de vivre » et de la « raison d’être » dans lequel se rejoignent des notions qui pèsent dans une existence humaine, telles la vocation et la passion. 

L’art de la concorde 

Par art, nous entendons un dévouement total pour la pratique et la production, vers la perfection du geste et/ou de l’objet, et foncièrement vers la perfection de soi, quelle que soit la manière culturelle d’envisager cet état d’accomplissement. L’art comme l’expression parfaite de soi. Se déverser dans l’art pour créer en accord avec soi-même, voilà l’expression salutaire. Et peut-être la formule d’un monde à l’équilibre. 

Nous l’avons écrit précédemment dans un article sur les arts martiaux, ce que les Occidentaux ont interprété comme un « art de la guerre » se voulait un « art de la paix ». Les arts martiaux japonais mobilisent des notions et des expériences parfois connues en Occident comme le ki, l’énergie, ou méconnues comme le shin (le cœur-esprit), le ma (l’espace-temps) ou l’ (l’un). L’art martial traditionnel est une éducation. Une élévation de l’âme et du corps au même titre que la musique ou la danse.

La beauté du geste ne relève pas de la grâce, mais de l’énergie qui informe un mouvement. Cette énergie n’est pas de la force, mais de la joie. Tout ceci est pur verbiage tant qu’on ne l’a pas expérimenté sur un tatami. Elle provient de l’intuition qui elle-même peut se forger par la répétition

Par art, nous n’entendons pas non plus la contemplation du beau ni l’exaltation, mais un accomplissement de soi non-égotiste par une manifestation du ki, de la source à travers soi, qu’elle se fasse par la calligraphie, par le son, par un arc, par une posture ou par un mouvement. Un art de vivre, mais surtout un art à vivre dans l’instant du geste, fait et défait par le mouvement.

Et c’est ce qu’est le développement personnel: un art vers la connaissance de soi-même et l’expression de son être au présent. L’annulation du temps psychologique qui nous nuit tant. 

La subtilité culturelle 

Comment avoir manqué cette subtilité? Ce que nous appelons culture. La perception du monde. En effet, le concept de dualité est différent dans la philosophie asiatique. Il n’existe pas comme nous le définissons. D’où l’importance de garder l’esprit ouvert. 

Alors que le concept d’esprit est marqué en Occident comme distinct du corps, voire opposé, comme deux substances foncièrement différentes et incompatibles, le Japon ignore ce dualisme d’opposition. En revanche, il connaît un dualisme de complémentarité. 

Par exemple, le sport suppose un dualisme d’opposition, une contradiction où ceci exclut cela. De son côté, la pensée asiatique postule une dualité de complémentarité où ceci complète cela. De toute évidence, cette différence de conception favorise d’une part l’opposition et la séparation et d’autre part l’harmonie et la concorde. Et l’art consiste à réaliser cette composition d’ensemble.

Pour voyager à travers les âges et la philosophie au Japon, nous invitons le lecteur à lire ce formidable article auquel nous avons emprunté certaines tournures et idées dans ce texte, tant elles sont ciselées. 

Préalablement, nous avons posé le développement personnel comme la quête de l’accomplissement de soi. Le bonheur émanant de la reconnaissance et de la gratitude pour la joie de cette réalisation se faisant. Pour apprécier chaque instant, nourrir son énergie et ne point s’épuiser, encore faut-il demeurer clairvoyant quant au processus.

Un développement qui nous semble impossible sans une véritable connaissance de soi-même. Comme Socrates le disait. Ni sans la connaissance de la nature et l’appréciation de la joie. Comme Spinoza le pensait. 

Comme nous l’avons vu, le modèle des arts martiaux est en accord avec cela. Il puise son essence dans la connaissance de soi-même, interne comme externe, corps cœur esprit, mais aussi plus largement une connaissance du monde, de l’énergie et de la nature des choses.

Ainsi les arts traditionnels japonais cultivant particulièrement l’art de la concorde ont impacté leurs pratiquants, leurs localités, leurs communautés et in fine leur société au cours des siècles. Rien de nouveau au pays du soleil levant. 

C’est pourquoi depuis cette culture de l’harmonie, nous nous familiariserons maintenant avec le concept d’ikigai. Le développement personnel à la Japonaise. 

Trouver son ikigai 

Trouver son ikigai pour suivre sa raison d’être et entretenir la joie de vivre. L’ikigai est le point de concorde entre les grands piliers de l’équilibre d’une existence humaine. Une zone d’harmonie en laquelle chaque pilier se confond.

Pour mêler passion, profession, mission de vie vers une vocation et rayonner depuis dans cet état d’harmonie, il convient tout d’abord de définir quatre axes: ce que vous aimez, ce en quoi vous êtes doué, ce pour quoi vous êtes ou pouvez être valorisé, et ce dont le monde a besoin. 

trouver son ikigai

En somme, trouver son ikigai est une manière d’exploiter son potentiel et de s’épanouir dans la durée. Une méditation ni aisée ni instantanée, mais extrêmement gratifiante une fois menée à bien.

De fait l’ikigai consiste en l’épanouissement via des expériences qui donnent du sens à la vie et que l’on valorise. En clair: ce qui nous pousse à considérer que la vie vaut la peine d’être vécue.

L’ikigai n’est jamais acquis. Il relève plus d’un processus que d’un état définitif. Aussi, l’ikigai serait lié à la longévité: ceux qui ne trouvent pas le leur ont plus de risques de mortalité (Sone et al. – Ikigai and Mortality in Japan, 2008). Telle est la force de l’harmonie et de l’équilibre.

Sans l’honnête connaissance de soi-même, rien d’harmonieux ne peut être établi. Ici un point déroutant de l’ikigai pour les occidentaux: il convient d’avoir été pauvre dans chaque zone afin de pouvoir reconnaître et apprécier la richesse de l’harmonie. Autrement dit ne pas trouver son ikigai trop tôt afin d’expérimenter. L’essai-erreur. L’empirisme plutôt que la théorie serait-il aussi au cœur de l’ikigai?  Une sagesse ancienne.

La pauvreté force l’homme à tenter beaucoup de choses – Publilius Syrus 

Par où commencer son ikigai ?

Commençons par penser large. N’excluons aucun champ, aucune activité. L’ikigai peut concerner tous les domaines, tant qu’on y trouve plaisir et satisfaction et qu’on est compétent dans cette activité. En apportant de la valeur au monde, vous vous nourrirez. 

Partir de la situation actuelle 

Une méthode pour identifier son ikigai consiste à faire un état des lieux de la situation actuelle. Notez les choses principales auxquelles vous consacrez le plus de temps. Ces choses donnent-elles du sens à votre vie ?

  • Est-ce quelque chose que j’aime faire ?
  • Est-ce quelque chose dont le monde a besoin ?
  • Suis-je doué(e) pour cette activité ?
  • Est-ce une chose pour laquelle je peux obtenir de la reconnaissance ? (financière, sociale, relationnelle, etc.)

À nouveau, il faut se fier et s’atteler au processus qui est un cheminement. Vous ne trouverez probablement pas l’activité « magique » qui donne sens à votre vie en un instant. Néanmoins, ce type d’analyse vous permettra d’identifier des secteurs qui vous captivent vraiment.

De plus, le parcours pour identifier son ikigai est rarement linéaire et peut évoluer avec l’âge et les expériences. Si vous ne trouvez pas de piste en faisant cette première analyse, n’hésitez donc pas à demeurer curieux, essayer de nouvelles choses, et continuer à apprendre. En effet, c’est de cette manière qu’on finit par trouver sa voie, en expérimentant de nouvelles choses. En étant dans l’action plutôt que dans la réflexion perpétuelle.

Réfléchir moins mais mieux

Être dans l’action permet de limiter le tourbillon mental incessant. In fine cela pourra offrir un espace de calme, propice pour prendre du recul et penser de manière plus large.

Ainsi vous pourrez dresser un tableau d’ensemble de vos activités, secteur par secteur. Demandez-vous profondément:

1. Qu’est-ce que j’aime faire? 

Quelles sont les activités dans lesquelles vous prenez du plaisir, qu’il s’agisse de loisirs, de relations, de travail, que ces activités soient rémunérés ou non.

2. Dans quoi suis-je performant(e) ?

Il s’agit ici de toutes les activités dans lesquelles vous êtes compétent(e), que ces activités soient épanouissantes ou non. Votre niveau de compétence devrait se situer de « bon » à « excellent ».

3. Pourquoi suis-je ou puis-je être reconnu (e) ?

Concentrez-vous sur les activités pour lesquelles vous êtes ou pourriez être rémunéré(e), mais aussi celles pour lesquelles vous pouvez être remercié(e), apprécié(e), reconnu(e).

4. Ces activités apportent-elles de la valeur au monde ?

Ce qui peut apporter quelque chose de positif aux autres, même si la portée de ces activités est modeste. Ces dernières peuvent apporter de « petits plus » ou changer le monde, du moins votre monde.

Si vous parvenez à identifier des activités qui répondent à plusieurs questions, vous aurez une piste d’ikigai. Vous pourrez méditer dessus afin de suivre cette piste pour, peut-être, en faire une réelle raison d’être pour vous.

Enfin, si certaines activités convergent et remplissent les quatre besoins, alors votre ikigai est là, devant vous! Il vous apparaîtra comme une évidence une fois que vous l’aurez identifié. 

Conclusion

L’ikigai est un concept japonais édifiant. Il permet d’aborder la vie avec une matrice assez complète, et favorable à la réalisation de l’individu comme à l’évolution collective. Il renferme l’idée que l’individu accompli, bien dans ses bottes, est celui qui s’est servi lui-même pour mieux servir le monde. Plutôt vertueux. 

Trouver l’épanouissement par les activités qui résonnent en nous est un travail en soi. Il nécessitera du temps et des efforts pour la plupart d’entre nous.

Ainsi il s’agit progressivement de peaufiner la connaissance de soi-même et de ses objectifs de vie. En effet, les pistes de notre propre épanouissement restent souvent occultées, faute de travail réflexif sur le sujet. Que vous trouviez votre ikigai aujourd’hui ou quelques années, la méditation sur le sujet permet de prendre du recul et de mettre vos idées au clair.

Cette réflexion entamée permettra dans tous les cas d’évoluer. Que du positif et du crédit pour renforcer la confiance en soi, si utile à l’accomplissement.

Un ikigai heureux se nourrit d’expériences de la vie. Acceptons que celles-ci prennent du temps. L’important est tout d’abord d’avoir la sagesse de se rendre compte de ce qui est à notre disposition pour bien choisir notre chemin. 

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